samedi 24 juillet 2021

Complexe scolaire de Linthout. Anciennes écoles N° 11 et N° 13 Avenue de Roodebeek 59-61, 103 Schaerbeek - architecte : Henri Jacobs - 1913 et 1922

J'ai écrit en début d'année un premier article sur Henri Jacobs. J'avais été très intéressée - peut-être parce que j'ai été enseignante -, par le fait que l'architecte a consacré une grande partie de son œuvre à la construction de complexes scolaires; regroupant souvent plusieurs types d'établissements.  Il a réalisé quelques 15 ensembles scolaires à Bruxelles, financés par des institutions publiques et construits avec des matériaux industriels peu onéreux, tout en y association de nombreux éléments décoratifs propres de l'Art Nouveau, comme des mosaïques, des ferronneries, des vitraux, des sgraffites, … 

Ce complexe est la seconde grande réalisation de Jacobs à Schaerbeek, après l'ensemble scolaire de la rue Josaphat, réalisé entre 1901-1905 et dont je parle dans mon précédent article.


"L’école, c’est par excellence le lieu familier de l’enfant, et plus cet endroit sera clair et beau et plus l’enfant y développera son cerveau dans des conditions harmonieuses.

Homme plus tard, il voudra retrouver dans son foyer et dans les monuments de son pays la même beauté, la même clarté et la même harmonie " 

 Citation attribuée à Henri Jacobs, 1924

Rue Josaphat,  je n'avais pu voir que des façades. Cette fois-ci, j'ai eu la chance de pouvoir visiter les intérieurs des écoles N°11 et 13, et d'en prendre autant de photos que je voulais, en toute tranquillité, grâce aux Foires d'objets et salon des restaurateurs qui y avaient lieu, dans le cadre du BANAD. Et j'ai pu également acheter quelques livres intéressants dont une monographie et catalogue raisonné sur l'architecte Ernest Blérot, converser avec son auteur et avoir mon exemplaire dédicacé. Autant dire que je garde un excellent souvenir de cette visite.

L'entrée se faisait par le n°13 et la sortie par le 11, donc dans le sens de la chronologie de la construction -  dates de construction = 1913 : école communale no 13 (pour garçons) et 1922 : école communale no 11 (pour filles) - . 

Dans les deux cas, il y a un immense hall d'entrée ou préau couvert, éclairé par une verrière avec des vitraux à motifs géométriques et des grandes baies; au fond deux grandes scènes de Maurice Langaskenset de Privat-Livemon, peintes sur toile marouflée et au-dessus de la porte d'entrée, côté cour des carreaux mosaïques et à l'intérieur, des sgraffites floraux (au n°11 des roses Mackintosh). 

Peintures et sgraffites : 



L'immense peinture qui s'étale sur le mur du fond du préau de l'école n°13 est de facture symboliste, œuvre du peintre Maurice Langaskens. Elle se compose de trois parties correspondant à « les Contes de l'ancêtre », « l'Étude » et  « les Bergers étudiant les étoiles », exaltant l'enseignement de la beauté à la jeunesse. Une bordure peinte donne l'illusion d'une tapisserie.
Ce peintre fut choisi suite à un concours auquel ont également participé des peintres plus connus et rattachés au mouvement Art Nouveau, comme Privat-Livemont ou Adolphe Crespin.  



Au n°11, après guerre, c'est le projet de Privat-Livemont qui est choisi par la Commission des Beaux-arts de Schaerbeek , au grand dam de M. Langaskens qui y voyait la possibilité d'une continuité dans son œuvre. 
Cependant, Privat-Livemont reste dans une continuité thématique, puisque les deux parties latérales, s'intitulent « L’étude et le Travail » et « La Première éducation ». Celle centrale représente un écusson avec le lion belge, porté par des angelots. Le style est Art Nouveau, combinant motifs floraux et féminins. Il reprend l'idée d'une bordure faisant penser à une tapisserie.
Juste en face, au-dessus de l'entrée, il y a un sgraffite avec des roses Mackintosh, dont je n'ai pas trouvé l'auteur. 


Mosaïques :

Au sol du préau couvert de l'école n°13, il y a plusieurs types de mosaïques. En bordure, des motifs géométriques annonceurs de l'Art Déco.










Au milieu, une rose des vents.


Dans le couloir d'entrée de l'école n°11, il y a une autre bordure en  mosaïque, avec des motifs réalistes totalement différents. Il s'agit des médaillons avec des représentations de jeux d'enfants et d'animaux à roulettes. 



Au-dessus des différentes portes menant à la direction et au logement de la concierge, des sgraffites avec des indications écrites et au-dessus, une frise peinte de Privat-Livemont.



Dans ce même couloir, il reste vitraux.


D'autres éléments architecturaux intéressants sont les entourages des portes en pierre sculptée.



Les escaliers, avec des pavés vitrés pour les entre-marches et des rambardes en fer forgé et en bois.


Dans le préau couvert de l'école n°11, des appliques en fer forgé.


Dans les différentes cours quelques sgraffites en très mauvais état, des éléments en céramique et en pierre sculptée;



Beaucoup d'éléments sont en train mauvais état de conservation et un travail de restauration serait plus qu'opportun.

vendredi 16 juillet 2021

Maison Devalck, Rue André Van Hasselt 32, Bruxelles - architecte : Gaspard Devalck - 1900

 L'an dernier, j'avais passé toute une journée à arpenter le quartier de Schaerbeek et à faire un grand nombre de photos, notamment des constructions de Gustave Strauven et de Henri Jacobs. A cette occasion, j'avais prévu de visiter la Maison Devalck en fin de journée, mais le temps m'a manqué. Je me suis donc rattrapée cette année, avec le BANAD et j'ai également pu en visiter l'intérieur, dont je n'ai pu faire aucune photo, car cela nous a été interdit, comme quasiment toujours. Reste que c'est un privilège de pour voir entrer dans ces habitations privées et je comprends fort bien cette interdiction que je respecte. 


Construits sur une parcelle triangulaire, il s'agit en fait de deux immeubles accolés qui, de loin, donnent l'impression d'un même édifice avec trois travées différentes. Ils s'intègrent parfaitement dans la rue dont tous les immeubles, bien plus que sobres, ont été construits par le même architecte. 
Le n°32 est celui que j'ai visité. Celui que Delvack a construit pour sa mère et où il a installé ensuite son atelier. Le plus intéressant également car le n°34 est beaucoup plus sobre, avec uniquement un sgraffite (non restauré) au-dessus de la fenêtre du deuxième étage.
Ici, également, le propriétaire est historien de l'Art, passionné d'Art Nouveau et a restauré avec soin la façade. Ce qui leur a valu, en 2020, un 1er prix du patrimoine de la commune de Schaerbeek. Pour avoir une idée de l'état dans laquelle ils ont trouvés la maison achetée en 2018, cliquer ici

La façade est construite en pierre blanche, réhaussée par des lignes de pierre bleue sur et sous-lignées de fines briques rouges. Constituée de deux travées, celle de droite avec la porte d'entrée vitrée surmontée d'un sgraffite et deux fenêtres à vitraux.


La porte présente des vitraux aux motifs géométriques floraux et qui, pour ceux au sommet de l'ouverture, pourraient représenter le bas d'un corps féminin - selon la personne qui a guidé la visite - et qui est reproduit en frise à divers endroits de la maison. Les ferronneries sont elles aussi remarquables. 


Un magnifique sgraffite floral surmonte la porte, lui même couronné par des vitraux aux motifs en éventail. 

La travée de gauche comporte 4 ouvertures : 

- Une fenêtre de cave avec une grille également avec un motif en éventail.


- Le vitrail de la fenêtre du salon qui représente un motif floral avec un échassier.


- La logette en bois, avec un vitrail au motif japonisant, avec un soleil levant.


- Au-dessus de la logette se trouvait un balcon en bois et un vitrail, actuellement en restauration.

Tous les vitraux sont attribués à Raphaël Evaldre, l'auteur - entre autres - de La Vague d'après un carton de Privat-Livemont 

L'intérieur conserve encore des vitraux et des carreaux céramique d'origine. L'actuel propriétaire est en train d'essayer de retrouver les papiers peints sous la peinture,  souhaite réuniformiser l'unité stylistique des deux maisons et a su trouver des meubles de style Art Nouveau dans des brocantes qui s'harmonise parfaitement avec l'intérieur. 

mercredi 14 juillet 2021

Maison Strauven, Rue Luther 28 et Rue Calvin 5, Bruxelles - Architecte : Gustave Strauven - 1902

 Le premier week-end de juin, j'étais de nouveau à Bruxelles, après quasiment un an d'absence. J'y suis allée dans le cadre du BANAD, pour visiter les intérieurs des "Tiny houses", dont la plus petite d'entre elles est, sans doute aucun, la Maison Strauven. Jusque là, je n'en connaissais que la façade extérieure que j'avais photographié lors d'une première visite du quartier des Squares, en 2018, qui m'avait permis de découvrir l'œuvre de l'architecte, extrêmement nombreuse dans ce district (33 de 57 constructions à Bruxelles). 


C'est l'actuel propriétaire, historien de l'art, qui a guidé la visite, ponctuée d'anecdotes, en lui donnant une touche personnelle très agréable, tout en nous entrainant à la fois dans la maison et dans sa passion pour elle. Il l'achetée en 1998 alors qu'il était déjà passionné par l'œuvre de l'architecte et a effectué de nombreuses recherches pour restaurer l'édifice de manière très respectueuse, mais surtout dans une totale compréhension de l'œuvre. 
Aujourd'hui, lorsque nous observons la façade, nous avons l'impression que la logette du premier étage a toujours existé car elle s'y intègre parfaitement. Probablement, bien plus que le balcon en briques qui avait été rajouté. Et pourtant, même si présente sur les plans originels, elle n'avait jamais été construite. Une autorisation a été nécessaire pour restituer à la façade l'esthétique prévue par l'architecte.


Il s'agit de l'ancienne maison personnelle de l'architecte. Il en avait choisi l'emplacement car face à un parc, malheureusement aujourd'hui occupé par une barre horizontale d'appartements dont les occupants peuvent profiter de la vue de si bel édifice, mais la réciproque est loin d'être vraie. Construite sur un terrain en équerre sur une parcelle de même pas 4 mètres de large (3,75 mètres), ce qui a demandé beaucoup d'ingéniosité à Strauven pour en tirer le meilleur profit en réalisant une maison lumineuse et fonctionnelle qui se développe sur 4 niveaux. Le dénivelé du terrain fait que le premier niveau est quasiment en sous-sol côté façade principale et de plein pied côté rue Calvin où, depuis les années 50, se trouve un garage. 


La façade principale s'orne d'un jeu subtil de briques jaunes et bleues, ainsi que de pierre blanche. Les briques bleues sont disposées astucieusement de manière de plus en plus rapprochée au fur et à mesure de l'élévation de l'édifice ce qui donne une impression de largeur pour les premiers niveaux. 
L'entrée se fait par une loggia d'où partent deux escalier, l'un menant au demi sous-sol précédé d'une toute petite cour et l'autre à l'étage s'ouvrant sur une minuscule terrasse en bois. 
La grille d'entrée en fonte peinte de couleur verte présente un motif en arabesque, créé par Strauven,  dont se feront de nombreux moulages et c'est ainsi qu'il se retrouvera sur les ferronneries de bien des constructions ultérieures de Strauven, lui donnant une sorte de "marque de fabrique". 


La visite de l'intérieur, fort intéressante du point de vue des prouesses architecturales, a été bien décevante pour la passionnée d'Art Nouveau que je suis (ce qui s'est reproduit lors de la visite de l'intérieur de la Maison Saint Cyr). Il est vraiment très sobre, trop à mon goût.
Strauven a eu toute sorte de freins de la part des autorités de l'époque qui lui ont fait changer les plans d'origine, comme l'obliger à reculer la façade postérieure, de quelques 80 cm. 



De larges baies vitrées éclairent les pièces, et l'ingéniosité de l'escalier central, placé juste à l'angle de l'équerre, rappelle que Strauven a été en stage pendant deux ans avec Victor Horta, dont les puits de lumière ont révolutionné l'habitat bruxellois de l'époque. Ici, le disciple a bien suivi les leçons du maître en installant une verrière zénithale. 



Pour l'anecdote, L'architecte ne vivra jamais dans cette maison, qu'il mettra en location pour s'installer ensuite à Tournai, où il poursuivra sa carrière en compagnie de son frère Felix. 
En guise de conclusion, voici un extrait d'une lettre de remerciement de Strauven à Victor Horta envoyée depuis Zurich: « avant tout, monsieur Horta, je viens vous remercier, des bonnes études que j’ai faites dans votre bureau. je considère en effet que c’est là que j’ai acquis les connaissances nécessaires pour me tirer facilement d’affaire et même à être le bienvenu dans une ville et pays étrangers. c’est dans votre bureau encore que j’ai appris à avoir à cœur l’étude et la recherche. je vous remercie encore cher monsieur, pour l’excellent certificat grâce auquel je suis parvenu à rentrer dès le second jour dans un des principaux bureaux de Zurich» (musée Horta) in http://patrimoine.brussels/liens/publications-numeriques/versions-pdf/articles-de-la-revue-bruxelles-patrimoines/numero-22/article-22-7