dimanche 16 mai 2021

Château d'Aubiry, Céret (2) - architecte: Viggo Dorph-Petersen, de 1893 à 1904

 Ce week-end de l'Ascension cela s'afférait fort du côté du Château d'Aubiry. Profitant de la pause déjeuner et que le parc était grand ouvert, j'ai pu y entrer et arriver jusqu'au pied de l'escalier monumental, en savourant chaque pas parcouru. 

Les Déferlantes ont été annulées pour cette année, mais il semblerait bien que la rénovation du Château est en cours. Le parc sortait donc d'un long endormissement, avec kiosques et piédestaux abandonnés au milieu d'une "forêt" de palmiers qui n'allaient pas tarder à disparaître. J'ai donc eu l'impression de capturer en photo les derniers vestiges d'un long laisser-aller dont les magnifiques serres risquent de porter encore la trace quelque temps, puisque le coût de leur restauration demandera encore un peu de patience pour pouvoir les retrouver comme à l'époque de leur ancienne splendeur.

La mairie de Céret a signé un bail emphytéotique pour le parc, qui devra être ouvert au public d'ici quelques temps.

Des spectacles sont déjà prévus, en dehors des "Déferlantes" reportées à 2022. Tous, sans lien aucun avec le château et son histoire. C'est, dans ma vision d'historienne de l'art, un lamentable raté et une mise en danger d'un monument. J'ose espérer que des études préalables ont été faites concernant l'impact de tels évènements sur le bâtiment non entretenu depuis des dizaines d'années. 







J'ai pu mieux observer, que lors de ma première visite, quelques détails comme les peintures murales extérieures ainsi que la beauté des ferronneries des balcons.


Et prendre une belle photo des serres avec un ciel de pluie au loin.


J'ai fini mon paseo par une petite montée vers le réservoir d'eau du château qui se trouve quelque part au-dessus de la propriété.


dimanche 9 mai 2021

Casa Joan Vilagut, Carrer Doctor Roux, 15, Barcelone - Architecte Bonaventura Conill Montobbio - 1904 (rénovation consternante en 1990)

 

En classant des photos, j'ai retrouvé celles de cette façade intéressante d'une petite maison du quartier des Tres Torres à Sarrià, où j'ai résidé quelques jours, dans une autre construction de Bonaventura Conill Montobbio: la Casa Sant Felip Neri, dont je parlerai une prochaine fois. Il a construit au moins un autre édifice dans le même secteur. 

En faisant des recherches sur le Net, j'ai découvert qu'après 2015, date à laquelle j'ai fait les photos, la façade a été repeinte,  avec différentes couleurs, la dénaturant complètement. Je me demande si ce n'est pas à cette époque également que les roses de style Mackintosh ont été repeintes maladroitement.

L'architecte a été un disciple et ami de Gaudi qui a beaucoup influencé son œuvre. Il a collaboré avec Arnald Calvet à la construction des deux stations de train de Vallvidrera.

Ici, il s'agit d'une petite maison individuelle, de plein pied, avec une terrasse. Elle est de forme très rectangulaire. La porte et les deux fenêtres de chaque côté forme une composition qui serait très rectiligne et sans grand intérêt, si ce n'était les jambages à fonction purement décorative qui encadrent les linteaux des ouvertures du rez-de-chaussée et s'élancent pour entourer les trois rambardes de la terrasse.

Les fers forgés des rambardes sont magnifiques, tout en coup-de-fouet avec une forme de lyre centrale. Les peintures de la façade reprennent des roses Mackintosh avec un décor végétal très sobre, lui aussi en coup-de-fouet. De loin, le rendu est fort gracieux, mais de près, il apparaît que les roses ont des formes très géométriques éloignées de celles imaginées par Margaret MacDonald Mackintosh, l'épouse de l'architecte Charles Rennie Mackintosh. 




dimanche 2 mai 2021

12, rue Sédillot Paris VII, architecte Jules Lavirotte - céramiques Alexandre Bigot - 1899

J'ai réalisé à l'occasion d'un message inopportun, que je n'avais pas encore publié d'article sur cet immeuble, comme tant d'autres constructions qui attendent dans mes archives. Je trouve aujourd'hui le temps de l'écrire, en l'illustrant de photos prises en 2012, il y aura bientôt 10 ans ! Ainsi que celles prises de l'intérieur, un jour où, par hasard, la porte était ouverte et que j'ai pu y entrer, deux ou trois ans plus tard. Comme à mon habitude, je fais des liens aussi bien avec des constructions de Lavirotte qu'avec celles d'autres architectes. 



La grande majorité des informations que je donne dans cet article, viennent de l'ouvrage "Jules Lavirotte, l'audace d'un architecte de l'Art Nouveau" d'Yves Lavirotte (petit-neveu de l'architecte) et Olivier Barancy (2017). 



C'est la première construction de Lavirotte, pour laquelle il est possible de considérer qu'elle fait partie du style Art Nouveau et sa quatrième commande. Les trois autres étant un "château" à Chaouat en Tunisie, une participation dans l'édification de certains éléments de l'immeuble de rapport au 151, rue de Grenelle à Paris, dont la porte aux poignets salamandre (cf. photo ci-dessous) est tout à fait remarquable, ainsi qu'une villa à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.



Lavirotte s'est installé dans la rue de Grenelle, au n°134. Comme il fréquentait la bourgeoisie du quartier, il a ainsi fait connaissance de la comtesse de Montessuy qui lui a commandé un hôtel particulier, à construire sur une partie d'un terrain lui appartenant (au dos duquel s'élèveront ensuite les immeubles du square et de l'avenue Rapp), rue Sédillot.
Il s'agit d'une construction imposante sur trois étages. La travée de gauche où s'ouvre le porche monumentale est la partie présentant le plus d'éléments pouvant correspondre à l'art nouveau, 


le corps principal de droite, orné par deux balcons en fer forgé en "coup de fouet" d'Auguste Dondelinger -avec qui Lavirotte travaillera également par la suite-, est beaucoup plus classique. 
Attardons-nous sur le porche, dont les ferronneries sont de ce même artisan ainsi que celles des balcons et des tirants métalliques qui encadrent la fenêtre du bow-window.



Cette entrée a été très souvent comparée à celle du Castel Béranger de Guimard, dont la construction est antérieure. Il est cependant intéressant de remarquer que d'une part, initialement, elle n'était pas prévue ainsi mais de forme dissymétrique (comme je l'ai découvert grâce au plan publié dans l'ouvrage d'Y. Lavirotte et O. Barancy, sur l'architecte), tout comme la petite porte latérale à droite. et que, d'autre part, cette structure de porte flanquée de deux colonnes avec des petites ouvertures latérales, a été très souvent reprise par de nombreux architectes, y compris à Barcelone. Ce qui, détail amusant, est également le cas de l'ouverture initiale.


Ce type de porche dissymétrique Art Nouveau se trouve, par exemple au 4 rue Benjamin Godard, à Paris XVI, de l'architecte Henri Tassu et datant de 1906 ou encore au 7B Rue Damrémont, à Paris XVIII, des architectes Torchet et Gridaine et datant de 1902. 
Quant à l'entrée définitive avec les deux colonnes, je l'ai retrouvée reproduite de très nombreuses fois. Tout s'inspirant très probablement de la plus ancienne, celle du Castel Béranger de Guimard, datant de 1897-98


Par exemple : 

- l'immeuble Braque, au Havre, de l'architecte William Cargill , 1904.


- Maison de l'Américaine, à Perpignan, de l'architecte Claudius, de 1909


- l'immeuble Place Hoche, à Rennes, de l'architecte Charles Coüasnon, de 1908


- le vestibule (qui m'a valu le courriel dont je parle en préambule) de l'immeuble au 76, avenue d'Italie, Paris XIII, des architectes Ernest Denis et Gustave Just, de 1900


- Casa Conrad Roure, à Barcelone, de l'architecte Fernando Romeo y Ribot, de 1902.


En ce qui concerne la porte de service dissymétrique, j'en ai repérée une reprenant l'idée, d'un architecte inconnu, à Levallois-Peret. Comme quoi, les emprunts de détails architecturaux  étaient fréquents à l'époque. 


Levallois-Péret 


Mais, revenons, rue Sédillot. Un jour, que je passais par là, j'ai pu pénétrer dans le vestibule de l'immeuble et y découvrir le décor mosaïque représentant des chardons, motifs récurrent dans l'Art Nouveau et repris dans les sculptures latérales -de Léon Binet-, au sommet de la porte et sous lesquelles se niche la signature de l'architecte. 



A l'intérieur, j'ai également découvert une montée d'escalier avec une rambarde en fer forgé, probablement du même auteur que celles extérieures, ainsi que de très beaux vitraux avec des motifs végétaux et d'oiseaux.





Sortons de ce bref passage par le vestibule, allant sur le trottoir d'en face pour mieux apprécier la façade avec tous ses détails. 
Le bow-window de la travée de gauche est décoré par une plante qui s'étend comme une liane vers la fenêtre en fer-de-cheval du dernier étage. Cette sculpture toujours œuvre de Leon Binet, est une annonce des lianes qui en grès Bigot qui s'élancent sur la façade de l'hôtel Céramic construit quelques années plus tard. 


                             Hôtel Céramic

La fenêtre du dernier, couronnée par un visage féminin, est reprise par trois fois dans le corps principal et a un pendant un peu plus imposant que ces derniers à l'aplomb de la porte de service dissymétrique. 




Les fenêtres du deuxième étages sont flanquées de sculptures avec des motifs de tournesols, dejàa présents au 151, rue de Grenelle. 

 Rue Sédillot

151, rue de Grenelle

C'est avec cette construction, rue Sédillot, que commencera également la collaboration entre Lavirotte et le céramiste Bigot, menée à son paroxysme, sans doute aucune, avec la façade du 29 avenue Rapp. Ici, cela reste discret, avec quelques cartouches, avec une motif floral (campanules?), qui ornent le bandeau sous la corniche séparant le deuxième du troisième étage. 


Et surtout, les balustres en grès rose; en forme de bouton de fleurs, donc la symbolique sexuellement comme représentation des lèvres de la vulve a souvent été soulignée, qui ornent les rambardes des fenêtres du premier étage et sont identiques à celles qui se retrouvent, une fois encore, au 29 avenue Rapp. 

 rue Sédillot

Avenue Rapp

Je termine cet article, avec le coup-de-fouet magnifique des ferronneries d'une des fenêtres du rez-de-chaussée. 

A bon entendeur, salut !