dimanche 2 mai 2021

12, rue Sédillot Paris VII, architecte Jules Lavirotte - céramiques Alexandre Bigot - 1899

J'ai réalisé à l'occasion d'un message inopportun, que je n'avais pas encore publié d'article sur cet immeuble, comme tant d'autres constructions qui attendent dans mes archives. Je trouve aujourd'hui le temps de l'écrire, en l'illustrant de photos prises en 2012, il y aura bientôt 10 ans ! Ainsi que celles prises de l'intérieur, un jour où, par hasard, la porte était ouverte et que j'ai pu y entrer, deux ou trois ans plus tard. Comme à mon habitude, je fais des liens aussi bien avec des constructions de Lavirotte qu'avec celles d'autres architectes. 



La grande majorité des informations que je donne dans cet article, viennent de l'ouvrage "Jules Lavirotte, l'audace d'un architecte de l'Art Nouveau" d'Yves Lavirotte (petit-neveu de l'architecte) et Olivier Barancy (2017). 



C'est la première construction de Lavirotte, pour laquelle il est possible de considérer qu'elle fait partie du style Art Nouveau et sa quatrième commande. Les trois autres étant un "château" à Chaouat en Tunisie, une participation dans l'édification de certains éléments de l'immeuble de rapport au 151, rue de Grenelle à Paris, dont la porte aux poignets salamandre (cf. photo ci-dessous) est tout à fait remarquable, ainsi qu'une villa à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.



Lavirotte s'est installé dans la rue de Grenelle, au n°134. Comme il fréquentait la bourgeoisie du quartier, il a ainsi fait connaissance de la comtesse de Montessuy qui lui a commandé un hôtel particulier, à construire sur une partie d'un terrain lui appartenant (au dos duquel s'élèveront ensuite les immeubles du square et de l'avenue Rapp), rue Sédillot.
Il s'agit d'une construction imposante sur trois étages. La travée de gauche où s'ouvre le porche monumentale est la partie présentant le plus d'éléments pouvant correspondre à l'art nouveau, 


le corps principal de droite, orné par deux balcons en fer forgé en "coup de fouet" d'Auguste Dondelinger -avec qui Lavirotte travaillera également par la suite-, est beaucoup plus classique. 
Attardons-nous sur le porche, dont les ferronneries sont de ce même artisan ainsi que celles des balcons et des tirants métalliques qui encadrent la fenêtre du bow-window.



Cette entrée a été très souvent comparée à celle du Castel Béranger de Guimard, dont la construction est antérieure. Il est cependant intéressant de remarquer que d'une part, initialement, elle n'était pas prévue ainsi mais de forme dissymétrique (comme je l'ai découvert grâce au plan publié dans l'ouvrage d'Y. Lavirotte et O. Barancy, sur l'architecte), tout comme la petite porte latérale à droite. et que, d'autre part, cette structure de porte flanquée de deux colonnes avec des petites ouvertures latérales, a été très souvent reprise par de nombreux architectes, y compris à Barcelone. Ce qui, détail amusant, est également le cas de l'ouverture initiale.


Ce type de porche dissymétrique Art Nouveau se trouve, par exemple au 4 rue Benjamin Godard, à Paris XVI, de l'architecte Henri Tassu et datant de 1906 ou encore au 7B Rue Damrémont, à Paris XVIII, des architectes Torchet et Gridaine et datant de 1902. 
Quant à l'entrée définitive avec les deux colonnes, je l'ai retrouvée reproduite de très nombreuses fois. Tout s'inspirant très probablement de la plus ancienne, celle du Castel Béranger de Guimard, datant de 1897-98


Par exemple : 

- l'immeuble Braque, au Havre, de l'architecte William Cargill , 1904.


- Maison de l'Américaine, à Perpignan, de l'architecte Claudius, de 1909


- l'immeuble Place Hoche, à Rennes, de l'architecte Charles Coüasnon, de 1908


- le vestibule (qui m'a valu le courriel dont je parle en préambule) de l'immeuble au 76, avenue d'Italie, Paris XIII, des architectes Ernest Denis et Gustave Just, de 1900


- Casa Conrad Roure, à Barcelone, de l'architecte Fernando Romeo y Ribot, de 1902.


En ce qui concerne la porte de service dissymétrique, j'en ai repérée une reprenant l'idée, d'un architecte inconnu, à Levallois-Peret. Comme quoi, les emprunts de détails architecturaux  étaient fréquents à l'époque. 


Levallois-Péret 


Mais, revenons, rue Sédillot. Un jour, que je passais par là, j'ai pu pénétrer dans le vestibule de l'immeuble et y découvrir le décor mosaïque représentant des chardons, motifs récurrent dans l'Art Nouveau et repris dans les sculptures latérales -de Léon Binet-, au sommet de la porte et sous lesquelles se niche la signature de l'architecte. 



A l'intérieur, j'ai également découvert une montée d'escalier avec une rambarde en fer forgé, probablement du même auteur que celles extérieures, ainsi que de très beaux vitraux avec des motifs végétaux et d'oiseaux.





Sortons de ce bref passage par le vestibule, allant sur le trottoir d'en face pour mieux apprécier la façade avec tous ses détails. 
Le bow-window de la travée de gauche est décoré par une plante qui s'étend comme une liane vers la fenêtre en fer-de-cheval du dernier étage. Cette sculpture toujours œuvre de Leon Binet, est une annonce des lianes qui en grès Bigot qui s'élancent sur la façade de l'hôtel Céramic construit quelques années plus tard. 


                             Hôtel Céramic

La fenêtre du dernier, couronnée par un visage féminin, est reprise par trois fois dans le corps principal et a un pendant un peu plus imposant que ces derniers à l'aplomb de la porte de service dissymétrique. 




Les fenêtres du deuxième étages sont flanquées de sculptures avec des motifs de tournesols, dejàa présents au 151, rue de Grenelle. 

 Rue Sédillot

151, rue de Grenelle

C'est avec cette construction, rue Sédillot, que commencera également la collaboration entre Lavirotte et le céramiste Bigot, menée à son paroxysme, sans doute aucune, avec la façade du 29 avenue Rapp. Ici, cela reste discret, avec quelques cartouches, avec une motif floral (campanules?), qui ornent le bandeau sous la corniche séparant le deuxième du troisième étage. 


Et surtout, les balustres en grès rose; en forme de bouton de fleurs, donc la symbolique sexuellement comme représentation des lèvres de la vulve a souvent été soulignée, qui ornent les rambardes des fenêtres du premier étage et sont identiques à celles qui se retrouvent, une fois encore, au 29 avenue Rapp. 

 rue Sédillot

Avenue Rapp

Je termine cet article, avec le coup-de-fouet magnifique des ferronneries d'une des fenêtres du rez-de-chaussée. 

A bon entendeur, salut ! 

2 commentaires:

manouche a dit…

Tout d'abord excellent anniversaire à ton blog passionnant et longue vie à lui.
Bravo pour ton coup de gueule bien mérité contre ce crétin, courageusement anonyme, bien incapable de partager son savoir alors que tu sais si élégamment le faire.
Un rappel, non exhaustif, des attitudes à prendre envers ce genre d'individu, selon la sagesse populaire:
" la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe"
"les chiens aboient, la caravane passe"
"laisse pisser le mérinos" etc, etc...
Un abrazo aussi beau que la salamandre !

Eli a dit…

Merci ! Illustre inconnu, ne veut pas dire anonyme. Le mail était signé. Je voulais dire par là, personne de connu par son expertise dans le monde de l'histoire de l'art et à fortiori de l'art nouveau.
S'il avait était le seul, je n'aurais pas pris la peine de rédiger ce coup de gueule.
Ces messieurs sont nombreux et il est important de le dire, pas de faire comme si de rien n'était.
Si je l'exprime, ce n'est pas parce que cela m'atteint particulièrement, mais pour le rendre visible.
Le machisme est partout y compris dans le monde de l'histoire de l'art !