samedi 31 août 2019

3, 5, 7, avenue Emile Zola, Poissy, Yvelines -architecte Théophile Bourgeois - 1901

J'habite à la limite des Yvelines, juste un pont nous sépare ou une forêt nous relie, selon les routes que j'emprunte. Cette semaine, c'est en prenant deux bus, un longeant la Seine (un parcours que je connais bien et dont je me réjouis à chaque fois), l'autre traversant la forêt de Saint-Germain-en-Laye, que je me suis rendue à Poissy. Ville connue architecturalement par sa collégiale datant du Moyen-Age ou la Villa Savoie de Le Corbusier, mais qui est aussi la ville de résidence de Théophile Bourgeois, architecte communal du Poissy, ainsi que de nombreuses villes des Yvelines et de Normandie, notamment dans des stations balnéaires. Il est aussi l'auteur de l'ouvrage 'La Villa Moderne", où il présente les façades, les plans et les devis pour 100 constructions différentes.  
En faisant des recherches, j'avais trouvé la référence de trois maisons, dont il était l'architecte, avec des portes "Art Nouveau", ornées de "coup de fouet" et cela m'avait suffisamment intriguée pour me décider de profiter d'une journée libre de fin d'été pour m'y rendre. 
Venant à pied depuis la collégiale, j'ai d'abord vu l'hôtel de M. Bourgeois, bâti en 1894 à l'angle de l'avenue Meissonier et l'avenue Emile Zola (ancienne avenue de Migneaux, du nom de l’île juste en face) , il abritait sa demeure et son atelier. De style éclectique, mélange d'anglo-normand et de néo-médiéval, avec l'utilisation de différent matériaux, cette imposante bâtisse n'est pas sans intérêt. Il l'avait imaginée comme une vitrine de tout son savoir faire. Très bien située près  de la gare toute proche, elle a une vue privilégiée sur la Seine. 


En tournant le coin de la rue, une porte avec des ferronneries Art Nouveau m'a indiqué que j'étais arrivée au bon endroit.Il s'agit d'un ensemble de trois maisons, dans le prolongement de son hôtel particulier, qu'il a construit, en 1901, pour ses enfants. A première vue, elles semblent quasiment identiques, mais en fait, même si l'ensemble est très homogène, chacune a ses particularités y compris dans le travail de fer forgé en "coup de fouet" des portes d'entrées. 


Il s'agit donc de trois maisons, avec chacune une porte d'entrée et une de garage au rez-de-chaussée, qui s'ouvrent sur un corps de bâtiments alignés, au-dessus duquel reposent trois terrasses différentes, dont seule la centrale est ouverte. Chaque porté d'entrée a un encadrement en pierre blanche et briques, en coup de fouet. De nous jours, chaque entrée a été repeinte de couleurs différentes et seule les portes du n°7 sont conservées en bois naturel. Il en va de même pour le fer forgé et les huisseries du plus pur style Art Nouveau.


N°3




N°5




N°7




Ces portes sont les seules mentionnées comme appartenant à l'Art Nouveau et certes, le reste des bâtiments correspond plus au style anglo-normand dont est coutumier l'architecte. Cependant, il faut lever les yeux lorsqu'on observe des façades et, même si en cette saison, la feuillure des arbres empêche de bien voir, l'étage des combles du n°7 a deux panneaux peints de chaque côté de la fenêtre qui rappellent les motifs des papiers peints de Guimard.




Il est fort probable que Guimard et Bourgeois se soient rencontrés. En tout cas le deuxième devait très certainement connaître l'oeuvre du premier. Il est une intéressante coïncidence que l'un est publié un ouvrage ayant pour titre "L'Habitation Moderne" et l'autre "La Villa Moderne" ...




Théophile Bourgeois, en tant qu'architecte de la ville, a beaucoup construit à Poissy, mais seuls ces 3 bâtiments ont des caractéristiques clairement Art Nouveau. D'autres, comme l'immeuble au 6 rue de la Gare, en ont quelques motifs sculptés.
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En arrivant dans la ville, j'ai été attirée par cet immeuble en meulière, avec deux bow-windows, situé non loin de la gare, aux 8 et 10 avenue Maurice Bertheaux, avec des ferronneries clairement d'un style proche de l'Art Nouveau géométrique. J'ai cherché désespérément des informations à ce sujet sur Internet, sans rien trouver. Je m'interroge sur l'architecte: serait-ce Théophile Bourgeois ou un de ses fils ? Ou bien ... 






samedi 10 août 2019

Avenue Foch, Quartier Impérial, Metz : Jugendstil et éclectisme

Il y a quelques semaines, je suis partie à Metz, pour un "paseo Art Nouveau", avec quelques adresses de bâtiments à voir, même pas une dizaine, glanées ici et là sur le Net, dont l'extraordinaire gare, qui dès l'arrivée nous plonge dans une architecture Jugendstil très éclectique.
Éclectisme que l'on retrouve tout au long de l'avenue Foch, proche de la gare et qui, comme elle, fait partie du quartier dit "Impérial". Seul un immeuble, La Villa Wildenberger, appartient totalement au Jugendstil, mais bien d'autres en ont certains éléments, là une grille, ici une sculpture, plus loin une porte. J'avoue m'être "régalée" et avoir parcouru l'avenue allant d'émerveillement en émerveillement.
Les raisons de cet éclectisme sont, évidemment historiques. Suite à son Annexion à l’Empire allemand, Metz fait l'objet de deux grands plans d'urbanisme, l'un de 1899, avec une vision haussmannienne, dû à l’architecte-urbaniste, Conrad Wahn et l'autre de 1902, plus créatif. 
La ville se divise ainsi clairement en deux: la vieille ville, que j'ai visité en dernier et la nouvelle ville ou Neustadt, celle du nouvel urbanisme, où se trouve la très grande majorité de bâtiments Art Nouveau. 


L'avenue Foch, pensée comme faisant partie d'un anneau qui encerclerait la ville, est elle aussi divisée en deux par une très grande allée centrale fleurie ainsi que du point de vue des constructions avec côté pair, des villas ou des constructions de taille moyenne et côté impair de grands immeubles résidentiels.
Je présenterai ici d'abord les éléments Art Nouveau des édifices côté pair, puis des grands bâtiments côté impair en remontant l'artère par ordre décroissant des n°.


La villa au n°46, datant de 1911, est d'un architecte italien, Joseph Runcio, originaire de Messine, qui opta ensuite pour la nationalité allemande. Il est auteur de plusieurs constructions pour lesquelles, dans certains cas, il intègre des éléments Art Nouveau, Jugendstil et Liberty. 


La construction en elle-même est plutôt robuste. Ce sont les détails des ferronneries, ainsi que ceux sculptés sur la façade, tout comme la rambarde au sommet de la tourelle dominant l'édifice qui indiquent, avec parcimonie, un Art Nouveau tardif. Il semblerait également qu'il y ait à l'intérieur des vitraux fleuris. 


En remontant l'avenue, vont suivre plusieurs des immeubles moyens sans grand intérêt, jusqu'à arriver au n°22 où se dresse la villa Burger, dite Salomon dont le style pourrait se rapprocher d'un néo-alsacien. Datée de 1903/04, elle est l'oeuvre de l’architecte Eduard-Hermann Heppe.


Deux éléments Art Nouveau y sont présents: un magnifique vitrail qui orne le bow-window où sont représentés un soleil et des tournesols ainsi la grille d'entrée en fer forgé, très originale.




 L'édifice le plus célèbre, situé au n°16, date de 1903. Il s'agit de la villa Wildenberger. Mitoyenne avec la villa Wahn (nº18), de style néo-Renaissance, de Conrad Wahn, l'architecte-urbaniste chargé du premier plan d'urbanisme de la Nouvelle Ville. Cette dernière est de style néo-renaissance, avec une belle grille en fer forgé, ornée de fleurs.



L'architecte du n°16 est Karl Griebel, d’origine allemande, dont c'est apparemment la seule oeuvre connue de ce style. La façade est très originale, avec un mélange d'Art Nouveau floral avec quelques courbes et de Jugendstil, plus stylisé, voire de sécessionnisme avec les visages de femmes aux traits anguleux, cheveux raides et coiffe fleurie.


 
Le côté impair de l'avenue est donc constitué par de grands immeubles de rapport, certains avec des sculptures fort intéressantes, qui peuvent parfois se rattacher à l'Art Nouveau et qui souvent m'ont fait sourire, car j'y ai senti une pointe d'humour. Certaines représentations m'ont beaucoup fait penser à l'oeuvre de architecte moderniste catalan Josep Puig i Cadafalch qui s'est inspiré beaucoup du gothique et dont les constructions regorgent de détails sculptés rappelant ceux des églises de Moyen-Age. 
Ici aussi, je remonterai l'avenue en suivant la numérotation par ordre décroissant. Les sculptures du premier immeuble à avoir retenu mon attention sont celles du n° 31-29. Notamment celle d'une d'un visage de femme ornant un arc fleuri au somme de deux édifices jumeaux. Originellement maison de commerce des frères Lazard, marchands de chevaux, elle est l'oeuvre des architectes Karl Ardnt et Albert Kutzner et date de 1905-06.


La suit, au n°27, également de Karl Arndt et Albert Kutzner, une construction de 1908, lamentablement défigurée par le commerce qui l'occupe actuellement, où les détails m'ont vraiment fait penser à ceux que l'on trouve sur les chapiteaux de bien des églises médiévales. Notamment celles d'un diable et de deux moines.



Au n°23, l'hôtel Royal est l'édifice de l'avenue, avec la villa Wildenberger, le plus souvent associé à l'Art Nouveau. Pourtant, contrairement à la villa, peu sont les éléments ornant cette imposante construction, d'un éclectisme flirtant entre l’haussmannien et le néoroman, qui peuvent vraiment y correspondre. Inauguré en 1905, le nom des architectes  Hermann Billing et Wilhelm Vittali, a été gravé (puis martelé à la délivrance de Metz en 1918) sur le côté droit du porche d'entrée recouvert d'une magnifique marquise.



Les éléments Art Nouveau sont l'arc fleuri au-dessus de l'entrée, avec au centre le nom de l'hôtel et les baies avec des vitraux.

 



Petite curiosité, une sculpture en bas relief d'un dragon sous le bow-window de la façade principale.


Le n°19, oeuvre des architectes Karl Arndt et Albert Kutzner, n'a pas une façade extraordinaire du point vu architectural mais, comme ce sera le cas du n°9, comporte une frise avec des sculptures de très belle factures, dont notamment de beaux visages certains portant des casques ailés, d'autres avec des cheveux ondulants ornés de fleurs et de feuilles de marronniers,  ainsi qu'un visage barbu.




Et entre chaque, des cartouches fleuris.



Lorsque j'ai vu, depuis le trottoir d'en face, le n°11, j'ai immédiatement pensé au Liberty italien. Effectivement, cet immeuble est dû à l'architecte d'origine italienne, Joseph Runcio, que j'ai déjà évoqué pour le n°46.


Il s'agit de la commande d'un maître-peintre, R. Jensen, commencée en 1905 et finie en 1906. La profession du propriétaire est représenté par un palette et un trépied sculptés au-dessus d'une des entrées, aujourd'hui recouverte par un rideau de fer hideux.


L'autre porte, heureusement bien préservée, en bois sculpté avec des motifs floraux ainsi que deux masques de diablotins aujourd'hui peinte d'un bleu lumineux, est également surmontée par une sculpture, cette fois-ci représentant des fleurs.


La façade est de style néo-gothique, avec un bow-window central et des balcons décalés. Seul le somment, en-dessous de la toiture est peint avec des motifs floraux et rappelle le Liberty italien.



Le n°9 mitoyen m'a valu de longues minutes d'observation et de découvertes tellement la façade fourmille de détails sculptés plus surprenants les uns que les autres.


C'est une façade imposante, en pierre de Jaumont, ocre jaune, construite dans un style néo-roman, par Karl Arndt et Albert Kutzner, les mêmes architectes que les n° 27, 29 et 31 de l'avenue..
L'entourage des portes d'entrées, et tout le rez-de-chaussée, ainsi que le soubassement des balcons, présentent quantité de sculptures, avec des sujets extrêmement variés.
Les deux piliers de chaque côté de la porte d'entrée principale représentent une scène d'un chevalier luttant contre un dragon, qui n'est pas sans me rappeler le San Jordi catalan, tellement représenté dans le modernisme catalan. La scène repose sur un visage solaire.

Au-dessus de l'arche de la porte, une femme très Art Nouveau est entourée de volutes florale et  regarde vers un chérubin descendant de la végétation qui encadre une croix de Lorraine.


L'autre porte, surmontée d'ouvertures bilobées, est ornée sur le côté, par une sculpture d'un tailleur de pierre et celle, fort surprenante, d'une grenouille voulant attraper une libellule.


Tous les chapiteaux des colonnes supportant le balcon massif en pierre, sont sculptés par de curieux personnages et des animaux fantastiques.



Si vous allez à Metz, prenez vraiment votre temps pour découvrir tous les trésors de cette magnifique avenue, en sachant que je n'ai pas tout publié ...