samedi 25 septembre 2021

Modernisme d'estiueig, Camprodon, Ripollès, Catalogne - Can Roig, architecte Simó Cordomí, 1900/01 - Can Surís, architecte Josep Renom i Costa, 1911 et autres.

La découverte de la toute petite ville de montagne de Camprodon a été une belle surprise. Dès mon arrivée, après deux heures de bus depuis Céret, à travers de sublimes paysages de montagne, j'ai aperçu la plus grande et impressionnante des constructions modernistes de la ville. Les autres ne sont pas aussi spectaculaires et toutes le sont fort peu face à l'Art Nouveau de nombre de villes catalanes, mais elles ne sont pas dénouées d'intérêt car elles représentent la pratique de l'estiueig (mentionnée dans mon article précédent sur La Garriga) qui était en vogue, pour les familles bourgeoises des grandes villes, au début du XXe siècle. C'est-à-dire en plein essor de l'architecture moderniste. 

Voici quelques extraits traduits d'un article sur l'estiueig au temps du modernisme, du journal catalan ARA:

Les grandes vacances pendant les toutes premières décennies du XXe siècle (...) étaient un privilège réservé aux familles les plus riches. Elles s'installaient deux, trois ou quatre mois en dehors de la ville (...). “À mesure qu'avançait la Révolution Industrielle et que les conditions de vie dans les villes de détérioraient, surgissaient des courants hygiénistes qui montraient l'importance d'aller vivre dans une ambiance bénéfique pour la santé”, explique l'historien Joaquim M. Puigvert (...). L'impact des grandes vacances s'est étendu partout sur le territoire et il a apporté des transformations dans tous les domaines de la vie sociale: par exemple, des pâtisseries ont ouvert dans de petites localités (...) et il y a eu des améliorations urbanistiques (...). 

Camprodon est un clair exemple de cet engouement pour le tourisme de santé et de montagne, à la recherche d'air pur, mais également de l'eau provenant des sources très nombreuses dans la région. Aujourd'hui encore, il est habituel de venir remplir un grand nombre de récipients d'eau pure, à une des fontaines situées à la périphérie de la petite ville. 


De plus, la ville compte un très grand nombre de pâtisserie, situées le long de la rue principale (carrer Valencia), dont une des plus célèbres, présente une devanture moderniste et un carrelage avec des roses "Mackintosh".  Une plaque située sur le côté signale la hauteur atteinte par l'eau lors de l'aiguat de 1940. Une terrible inondation qui eu lieu 16 au 20 octobre 1940. 

Une de ces nombreuses pâtisseries, est devenue, une grande usine de biscuits. Birba, installée en 1893, y a beaucoup prospéré à l'époque de l'estiueig et sa production reste importante aujourd'hui. 




Can Roig:

Située à l'entrée de la ville, près de la route qui vient de France, se dresse cette bâtisse impressionnante. Une "torre" (tour) comme elles sont appelées dans les villes où le modernisme s'est développé en Catalogne. Car il s'agit généralement de grandes villas agrémentées d'au moins une tour, visible de loin et de bien montrer l'opulence du propriétaire. 

Elle a été construite par l'architecte Simó Cordomí, comme résidence secondaire pour le Dr. Emerencià Roig. Malheureusement, il est décédé en 1901, l'année même où elle a été terminée. Ce médecin était le beau-frère du Dr. Robert qui a grandement contribué au développement de la petite ville comme lieu de villégiature et de soins (estiueig), en la recommandant à sa riche patientèle barcelonaise. 

Le bâtiment a été occupé jusqu'au début de la deuxième guerre mondiale. En 1939, il a été utilisé comme hôpital militaire pendant "la retirada". 

L'actuel propriétaire, un particulier, a été sommé d'intervenir pour couvrir des zones qui risquaient de s'effondrer à tout moment. Ce qui a été fait en 2014, avec notamment une toiture métallique fort inesthétique, n'empêchant pas, au demeurant, que l'eau de pluie ne pénètre facilement partout puisque tout l'édifice est ouvert à tous vents. Des projets de transformation en hôtel ou en logements sociaux ont été discutés à ce moment-là. Mais, force est de constater que depuis lors, la construction continue à se dégrader d'année en année. 

Son style architectural moderniste est fortement marqué par des détails néo-gothique, ce qui fait que l'on peut lire sur certaines publications que l'architecte aurait pu être Puch et Cadafal. Il est fort probable que l'architecte Simo Cordomi s'en soit inspiré, comme il l'a fait pour d'autres de ses constructions, comme la mairie de Granollers dont il était l'architecte municipal. Il est surtout connu par son travail pour la maison la Constructora Ribas i Pradell, pour laquelle il créa des maisons de bois démontables destinées à la Guinée Equatoriale. 

La villa est composée d'une façade principale avec une tour latérale au toit pointu recouvert de tuiles vernissées, ornée d'un cadran solaire et d'une statue religieuse intégrée à l'angle extérieur. Elle abritait peut-être un grand escalier, comme semblent l'indiquer les trois ouvertures verticales qui s'ouvrent sur un de ses côtés.



Un corps central comportait une porte aux décors néo-gothiques, flanquée de deux fenêtres du même style, ainsi que d'une troisième fenêtre dans l'arrondi latéral. Le tout, surmonté à l'origine, par une loggia crénelée et ornée de colonnes, visible sur une carte postale publié sur le blog de mon ami Valentí Pons Toujouse. Aujourd'hui, cet ensemble a complètement disparu.
La travée de droite, présente une grand fenêtre en anse de panier, surmonté par une fenêtre au balcon forgé et de deux petites fenêtres géminées.

                                                                


La construction présente deux autres tours, rondes et moins élevées que la première. Comme le reste des façades arrière et latérales, elles sont ornées de petites fenêtres, toujours de style néo-gothique distribuées de manière régulière sur trois niveaux. Seule exception, les petites baies géminées du côté gauche de la plus petite tour. Celles du dernier étage, sont beaucoup plus simples. 




La villa est entourée par un mur de pierres de rivières sur deux des côtés et sur les deux autres, par des grilles en fer forgé en coup de fouet, soutenues par des piliers. 


La très forte dégradation de l'édifice peut très bien s'expliquer par les matériaux utilisés pour sa construction, de piètre qualité, recouverts par un enduit à la chaux et des décorations en stuc. Il s'agit essentiellement de galets de rivière, maintenus par un mortier de condition douteuse, avec quelques renforts en pierres taillées. Le tout devait très bien faire illusion à l'époque. 
Cela demandera un énorme travail de restauration, probablement coûteux,  pour tout remettre en état. 


Mises à jour:

Juillet 2022
L'édifice est en train d'être restauré pour y installer des logements sociaux. 


31 octobre 2022, avancement des travaux de restauration/rénovation :







Avril 2023, restauration finie !

Le 1er avril, Can Roïg a été (re)inauguré. Son affectation n'est pas encore certaine mais il est probable qu'il deviendra un centre de santé.
Photos prises le 8/04






Can Surís ou Casa de las Monjas

Construit par Josep Renom i Costa, en 1912, pour Josep M. Suris, le bâtiment a connue plusieurs transformations au gré des différents propriétaires et utilisations. Tour à tour maison d'habitation magasin de vins et de liqueurs, racheté en 1935 par les sœurs de la congrégation de l’Immaculé Cœur de Marie, en 2009 la façade principale a été transformée et dénaturée par l'ouverture d'une grande porte à la place de fenêtres et la surélévation d'un étage.
C'est un édifice éclectique et surprenant. Alliant l'architecture en galets de rivière visibles, typique des Pyrénées catalans, avec des éléments Art Nouveau en céramique et en fer forgé.
Il présente deux façades principales, une sur le carrer Valencia qui est une des artères principales et l'autre donnant sur la rivière. 


La façade sur la rivière présente trois travées avec un corps central légèrement bombé et de chaque côté des travées asymétriques. La partie la plus base de l'immeuble, près du niveau de la rivière a trois ouvertures ovales avec de belles ferronneries.


La façade sur la rue principale, ainsi que la latérale sont ornées d'une frise en céramique verte vitrifiée et d'ouverture ornées de ferronneries dont un balcon devant la fenêtre principale donnant sur la rue.  


La porte en bois est simple mais les deux ouvertures supérieurs sont elles aussi ornées de fer forgé.

 

Can  Blanch

Situé à l'angle du carrer Valencia, juste en face de Can Surís. Le rez-de-chaussée a été malheureusement là aussi très remodelé.Le balcon d'angle en bois, avec une plaque faite de carreaux céramiques représentant la légende du Saint Patron de la ville, Sant Patllari, qui venait d'Embrun, dans les Alpes françaises et dont la mule ne voulu plus avancer une fois arrivée à Camprodon. Elle donna des coups de sabots à des pierres, faisant ainsi surgir des sources d'eau. Ses reliques sont conservées dans l'église de Santa Maria.

 



La Palanca ou Can Vila

Bâtie par l'architecte Antoni Coll i Fort, il s'agit ici aussi d'un bâtiment d'angle, qui a longtemps abrité la compagnie des téléphones de la ville. 
Le rez-de-chaussée a été ici aussi rénové, mais conserve encore une porte de l'époque. Les fenêtres porte de belles ferronneries et une grande véranda s'ouvre sur la façade côté rivière.






 Hôtel Rigat - Plaça Dr. Robert (Aujourd'hui Hôtel Camprodon)

C'est un bel édifice avec quelques détails Art Nouveau de l'architecte Juli Maria Fossas Martínez et datant de 1914.





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Un nouveau séjour, début octobre 2021, m'a permis de compléter cet article.

Passeig de la Font Nova

Cette promenade a été rénovée à la fin du XIXe siècle. Elle va du centre ville vers la route de Molló qui mène vers la France en longeant la rivière Riport et finit à l'embranchement où juste se trouve la Font Nova (fontaine nouvelle).


A la jonction de la rue d'Ignasi Cassabó  et de la promenade il y a de très belles villas datant de la fin du XIXe.

Can Pomar (1882-1883) de l'architecte Josep Vilaseca à qui l'ont doit l'Arc de Triomphe de Barcelona est certainement la plus spectaculaire. Elle a quelques éléments qui annoncent le modernisme comme les sgraffites de papillons qui forment une bande faisant tout le tour de l'édifice entre le rez-de-chaussée et le premier étage, repris par une autre bande juste sous le rebord de la toiture.




Can Wincke

De l'autre côté de la rue, au n° 1 du Carrer d'Ignasi Cassabó se trouve une villa originale, datant de 1890, avec un travail en bois très soigné, mais malheureusement en mauvais état de conservation. Il semblerait que son style tient au fait qu'elle a été construite pour une famille d’industriels allemands.


Dans le centre ville d'autres édifice qui ne se trouvent pas sur l'axe principal qui est le carrer Valencia, présentent quelques éléments modernistes. 

26 Carrer Ferrer Bàrbara

Cet immeuble vient d'être (trop) restauré. Construit au début du XXe siècle, il a subit quelques changements dans les années 1914-15. 
Les éléments modernistes sont les sculptures de l'entrée représentant les 4 saisons







44 Carrer Ferrer Bàrbara

Un peu plus haut, peu avant d'arriver à la fabrique de biscuit Birba, se trouve cet édifice avec des balcons aux ferronneries qui reprennent un motif de papillon similaire à celui des sgraffites de Can Pomar, mais surtout à ceux de la Casa Bonaventura Pollés à Barcelona. La façade est également ornée de visages féminins à la chevelure ondulante, bien dans le style Art Nouveau. 




8 place du Docteur Robert

Un autre immeuble avec quelques éléments floraux dans le style moderniste. 



Carrer Freixenet

Sur cette rue, un immeuble est couronné par une tour au détails modernistes. Elle serait l'œuvre de l'architecte Francesc Surinyach Burrat.


11 Carrer Nou

Immeuble avec des éléments néo-classiques et une entrée moderniste ainsi qu'un heurtoir en forme de salamandre.