samedi 23 juillet 2022

Modernisme et industrie textile : Sant Joan de les Abadesses, Ripollès, Casa Josep Bassols ou Conill 1, architecte : Salvador Viñals Sabaté, 1905 - Casa (Rita) Conill 2, architecte et date inconnus - Casa Vídua Climent Tarré, architecte: Antoni Coll i Fort, 1912/15

Fuyant la canicule, je suis partie quelques jours dans les montagnes de Molló, en Catalogne du Sud, dont je suis descendue dimanche dernier, profitant d'une légère baisse des températures, pour visiter Sant Joan de les Abadesses. Cette ville est surtout connue par son monastère qui a été fondé au IXe par  Wilfred le Poilu, qui y a installé communauté de moniales bénédictines. La première abbesse en a été sa fille Emma.

Comme à mon habitude, je me suis intéressée aux édifices modernistes (Art Nouveau catalan) qui pouvaient s'y trouver. L'existence de la base de données sur l'architecture moderniste, extrêmement complète, que mon collègue de blog et ami, Valenti Pons i Toujouse a créée, m'a permis d'avoir très rapidement toutes les informations pour les localiser. 

Dans de nombreuses villes catalanes, l'essor de l'industrie textile au début du 20e siècle, a fait que certains industriels ont commandé des demeures dans le style moderniste, en vogue à l'époque. C'est le cas de Sant Joan de les Abedesses, avec sécurité, pour au moins deux des constructions modernistes. 

En 1895, Josep Espona, Miquel Blanch et Josep Bassols, propriétaires du moulin Gran, au bord de la reivière Ter, demandent  l'autorisation de le réformer et le transformer en usine textile.







Casa Josep Bassols ou Conill 1

Bassols a commandé à l'architecte moderniste Salvador Viñals Sabaté (qui a oeuvré essentiellement à Barcelone et à Sitges), l'immeuble qui porte son nom. La façade aujourd'hui est très peu représentative de l'Art Nouveau, si ce n'est par les ferronneries des balcons. En effet, la faitière aux formes arrondies ainsi que les entourages des portes ont été détruits. Par contre, le rez-de-chaussée a été conservé en l'état avec les magasins où devaient se vendre les textiles. En 1905, Bassols, laisse la propriété de l'industrie, qui est reprise uniquement par Espona. Probablement, dans les années 20, elle sera de nouveau reprises, cette fois-ci par un dénommé Conill, comme cela est visible sur les photos de 1927




Casa (Rita) Conill 2

Il s'agit ici, comme pour la construction suivante, d'un Art Nouveau beaucoup plus régionaliste, qui me fait penser à certains édifices de Perpignan des architectes Édouard Mas-Chancel (à la fin de l'article) ou Raoul Castan. 
Il s'agit de construction qui allient des matériaux locaux traditionnels comme les galets, des pierres taillées, la brique et les azulejos (dans ce cas), ainsi que du béton.
Le balcon est identique à celui de la Casa Bassols, ce qui m'a interrogée au départ sur le fait qu'il puisse s'agir du même architecte, puisque celui de cette construction est inconnu. Mais le style est vraiment trop différent entre les constructions pour que cela soit le cas. Ces balcons se trouvaient en vente sur catalogue et ont pu être commandé par un même entrepreneur, travaillant pour deux architectes différents. 




Casa Vídua Climent Tarré

Le style et les matériaux de cette construction me semblent assez proches de ceux de la précédente. Dans ce sens, je suis assez dubitative de l'attribution de sa construction à l'architecte Antoni Coll i Fort, déjà mentionné dans mon article sur Camprodon où il a construit l'édifice de la compagnie de téléphones, connu comme "La Palanca ou Can Vila". Aucune de ses autres réalisations ne ressemble à celle-ci. Des recherches plus poussées seraient nécessaires pour connaître l'architecte de la construction antérieure et voir si, éventuellement, il n'aurait pas également participé à celle-ci.

Ici, il s'agit d'une maison d'habitation, avec un magasin adjacent. Les seuls éléments remarquables, me semblent être les huisseries de la fenêtre principale du rez-de-chaussée et le travail du bois de la porte d'entrée. 






lundi 11 juillet 2022

Rafael Masó i Valentí à Gérone : La Casa Masó, 1910-1912/1918-1919; Farinera Alfons Teixidor, 1910-1912/1915-1923; Casa Teixidor ou Casa de la Punxa, 1918-22; Casa Gispert - Saüch, 1921/23. Casa Batlle, 1908/10.

Fin février, je suis allée pour la première fois à Gérone. Je voulais découvrir l'œuvre de l'architecte géronais Rafael Masó Valentí, très présente dans cette ville, dont je ne connaissais pratiquement que la  Farinera Alfons Teixidor.


Le livre "Masó Interiors" de Jordi Falgàs, Mariona Seguranyes i Sílvia Alemany, m'a permis de trouver de nombreuses informations que j'ai reprises dans cet article. 

 La Casa Masó, 1910-1912/1918-1919

J'ai commencé mon itinéraire de visite, par sa maison natale, aujourd'hui siège de la Fondation Rafael Masó. Il s'agit d'un ensemble de 4 édifices qui ont été réunis, en plusieurs étapes. La façade actuelle est le résultat des derniers travaux de l'architecte, avec notamment l'ajout d'une tribune arrondie au troisième étage. 


Au rez-de-chaussée se trouve la grande porte d'entrée principale ainsi qu'une petite porte de service et entre les deux une petite niche avec, aujourd'hui, des boites-aux-lettres, des sonnettes et une plaque de présentation. De formes très rectilignes, déjà annonciatrices de l'Art Déco. Nous retrouverons ce genre d'ouvertures, avec des usages similaires, sur d'autres constructions de l'architecte.


En fait, cette maison, dès sa façade, est l'exemple même du grand éclectisme de Masó. D'aucuns chercheront à le rattacher plutôt au Modernisme (ou Art Nouveau catalan), d'autres, notamment les spécialistes de l'Art Nouveau catalan considèrent que son style s'incline clairement vers le Noucentisme, dont il serait un des représentants et même un de ses impulseurs. Bien qu'influencé par Antoni Gaudi, il s'est beaucoup plus inspiré de Victor Horta et surtout de Charles Rennie et de Margaret MacDonald Mackintosh ainsi que de Josef Maria Olbrich et Otto Wagner. Il était abonné à différentes revues d'architectures britanniques et allemandes. 

L'entrée avec ses azulejos, s'inscrit dans la tradition  de la Gérone médiévale, avec des écussons, des éléments religieux et d'autres qui correspondent à l'architecture locale. 


Le vestibule avec sa décoration géométrique en bois marquant la montée d'escaliers me semble être clairement inspirée par le style Mackintosh. 


De grandes ouvertures séparent le vestibule de la salle-à-manger. Ornées de vitraux aux motifs fleuris dont celui d'un campanule géométrisée, que l'on va retrouver sur d'autres vitraux de la maison et qui serait censée symboliser l'union et l'amour de l'architecte pour sa femme Esperança Bru. 



Mais le "clou" de cette pièce est indéniablement la lampe dessinée par l'architecte et dont le tissu reprend le motif de campanules.


Une galerie très lumineuse donne sur la rivière et communique la cuisine avec la salle-à-manger. Des jardinière et métal et bois (répliques datant de 2012), toujours dessinées par l'architecture, reprennent encore une fois un style géométrique très inspiré par celui de l'architecte écossais Mackintosh. 


Les chambres se trouvent à l'étage et un puit de lumière dont le vitrail reprend le motif des jardinières, permet d'éclairer l'escalier. 


Sur les fenêtres de la première chambre, toujours dessinées par l'architecte, des roses Mackintosh ornent les vitraux. 


La façade sur la rivière est également intéressante.


La minoterie "Farinera Alfons Teixidor" 1910-1912/1915-1923

C'est un édifice emblématique qui se trouve à proximité de la gare. Comme toute l'œuvre de cet architecte, il est de style éclectique avec une grande empreinte de Gaudi, ainsi que des styles Mackintosh, Sécession et Jugendstil. 
Construit entièrement avec des matériaux de couleur blanche, à la demande expresse d'Alfons Teixidor, afin de rappeler la couleur de la farine. Rafael Masó  aurait tenue ces propos "Fins i tot les teulades i la cúpula seran blanques Tot nevat!" (même le toit et la coupole seront blancs. Tout est enneigé!). L'effet est réussi car tout l'édifice est éclatant au soleil, et se détache parfaitement dans le ciel bleu, y compris en hiver. Malheureusement, un immeuble d'habitations a été construit juste derrière, lui enlevant de sa splendeur. 
L'allégorie à la farine est omniprésente: les pinacles qui s'élèvent dans un angle symbolisent des épis de blé. 




Il s'agit de deux corps de bâtiments,  réunis par une passerelle, l'un consacré au magasinage de la farine et l'autre aux bureaux, ainsi qu'aux habitations de la famille Teixidor. Différents éléments ont été rajoutés au fur et à mesure des années.

Les fenêtres sont ornées de céramiques blanches de Antoni Serra, céramiste de Olot.


Les ferronneries sont de Nonito Cadenas, de Gérone.


Et les vitraux de maitre verrier Lluís Rigalt de Granell-Rigalt i Cia, de Barcelone.


Casa Teixidor ou Casa de la Punxa, 1918-22

Commandée par Alfons Teixidor, après la première étape de construction de la Farinera. C'est un immeuble destiné à des logements, bureaux et magasins, pour les travailleurs de la minoterie. 
Ici, Masó semble s'inspirer plus de l'architecte Josep  Puig i Cadafalch que d'Antoni Gaudi. Notamment de sa célèbre Casa de Les Punxes de Barcelone, avec une tour pointue au toit recouvert d'écailles en céramique et ornée d'un sgraffite qui représente un moulin à vent.


Le rez-de-chaussée et le portail de l'édifice présentent des ouvertures intéressantes, de style moderniste, avec de belles ferronneries. La zone des boîtes-aux-lettres rappelle celle de la casa Maso et comme le reste de l'immeuble, est annonciatrice de l'art Déco.





Casa Gispert - Saüch, 1921/23

Il s'agit d'un édifice d'angle. Lorsque je l'ai découvert de loin, j'ai immédiatement pensé à une proue de navire. C'est mon préféré de Masó avec la minoterie Teixidor. Il est recouvert par endroits par des azulejos modernistes, du céramiste Josep Orriols: les mêmes que ceux du patio de la Casa Ramon Casas, à Barcelona. 



Originellement, la construction devait avoir une tour pointue, comme pour le bâtiment précédent. Je suis heureuse que finalement le projet n'ait pas abouti car il aurait enlevé cette impression de navire au milieu des rues de Gérone.

Le rez-de-chaussée était prévu, dès le début, pour y abriter des boutiques. Cependant, je trouve que les actuelles enlèvent bien du charme à la façade. 

Casa Batlle, 1908/10

Il ne s'agit pas d'une œuvre originelle de l'architecte mais de la réforme inachevée d'un édifice antérieur.
C'est un immeuble de quatre étages qui s'organise sur trois façades, celle du carrer Nou est assez classique si ce n'est l'angle et des éléments de la terrasse, bien plus visible sur la façade de l'avenue Sant Francesc.


Dans la petite rue Fontanilles, la façade est très sobre, rectiligne, avec un sgraffite tout au sommet.


La troisième façade, côté avenue Sant Francesc est la plus intéressante. Chaque étage présente un jeu d'ouverture différentes et toute la façade est ornée de céramiques de la fabrique La Gabarra de La Bisbal.


C'est le sommet de l'immeuble qui est le plus intéressant, avec de nombreux masques d'hibou en céramique.


 
Casa Ensesa, 1914-15 et 1931-32

Il s'agit ici également de la réforme, en deux temps, d'un édifice déjà existant. Propriété de la famille Ensesa, nous retrouvons une minoterie et ses magasins, avec la maison familiale adjacente;


L'allure en est austère et seulement quelques détails en céramique et des vitraux rappellent l'Art Nouveau.


A mes yeux, le détail le plus intéressant et caractéristique du style de Masó est la zone des boites-aux-lettres, déjà signalée pour deux édifices: la casa Masó et la casa Teixidor.


Gérone présente d'autres exemples de l'œuvre de Masó, souvent remaniés et/ou bien moins intéressants. j'en cite quelques uns:

Pharmacie Masó-Puig, aujourd'hui Saguer, 1907-08



Restent aujourd'hui les belles ferronneries, la façade ayant été "rénovée" en 1935 par un autre architecte, Josep Claret Rubira.

Casa Corominas, 1927

Nouvellement une réforme d'une construction plus ancienne et certainement celle qui a le moins d'éléments Art Nouveau. 
Les ferronneries de la porte d'entrée, les vitraux du bow-window ainsi que les sgraffites valent de s'y attarder un peu.