jeudi 22 février 2024

5, rue Valentin Haïy, architecte Honoré Cadilhac, 1905

Hier soir, j'ai regardé le premier épisode de la série "Berlin" et j'ai immédiatement reconnu la rue Valentin Huäy où je ne suis pourtant pas retournée depuis plus de 10 ans. J'avais déjà publié deux portes d'immeubles comportant des éléments Art Nouveau, se trouvant dans cette rue. L'épisode m'a paru fort peu intéressant mais j'ai été heureuse de pouvoir "visiter" l'intérieur d'un des appartements de cet immeuble où j'ai pu remarquer, notamment, des vitraux avec des motifs floraux.

Je me suis dit que c'était l'occasion de réveiller un peu mon blog, au repos depuis presque un an et de partager cette "trouvaille" en publiant quelques informations et photos sur l'immeuble.

Honoré est un architecte parisien auteur de plusieurs immeubles dans la ville dont celui situé rue Valentin Huäy qui semble être le seul à avoir des éléments Art Nouveau. Il s'agit d'un immeuble d'angle, avec une façade sur la rue Bouchut. Celle située rue Valentin Huäy est constituée de 4 travées dont une constitué de bow-windows. 

Le style est haussmannien mais la porte est décorée de ferronneries clairement Art Nouveau et d'un encadrement avec des motifs de pommes de pin sculptés.



Les autres motifs végétaux sont sculptés sur les consoles des balcons.



Le compositeur Serge Prokofiev y a vécu.


samedi 22 avril 2023

Gentil et Bourdet et Art Nouveau à Toulouse : 6, rue de Rennes, architecte et date inconnu.es - 22, rue du Languedoc, Architecte Eugène Curvale et Sculpteur Toures (1901) et l'Immeuble dit de La Dépêche du Midi 1932, architecte Léon Jaussely (1932)

En septembre 2022, je me suis rendue à Toulouse, pour la première fois. J'y ai découvert un Art Nouveau très présent et original. Souvent, il se cache parmi différents éléments de façades éclectiques. 

L'exemple célèbre de céramiques Gentil&Bourdet, dans cette ville, est la superbe façade d'un immeuble Art Déco, qui fut longtemps le siège de la Dépêche du Midi.


Les autres exemples sont beaucoup moins spectaculaires, bien qu'intéressants, car ils sont le témoignage de l'activité de la fabrique boulonnaise, dans le sud, à Toulouse, comme dans d'autres villes que j'ai déjà mentionnées, dans d'autres articles.

Mon guide, lors de ma visite, a été le numéro 60 de la revue "Le Patrimoine: histoire, culture et création d'Occitanie" sur le "Surprenant Art Nouveau"

 6, rue de Rennes

Repéré par un simple photo dans la magazine ci-dessus, sur laquelle j'ai immédiatement reconnu les motifs G&B. 
Il s'agit d'une petite construction en briques,, avec quelques éléments sculptés en pierre blanche, dont la façade est réhaussée par des éléments en grès bleu qui reprennent le couleur de la porte d'entrée, qui présente de discrètes lignes arrondies.


Les céramiques se situent au dessus de la porte, et forment également une frise qui court sous le toit.



Elles se trouvent toutes dans leur catalogue: "Manuel d'application des grès Gentil et Bourdet".




22, rue du Languedoc, Architecte Eugène Curvale et Sculpteur Toures (1901)

La rue de Languedoc présente plusieurs immeubles avec des éléments Art Nouveau. Celui-ci, même si de facture plutôt classique, a des décorations Art Nouveau sculptées et en céramique.




Un s'agit de plaques posées en frise entre les fenêtres du dernier étage, de colonnettes balustrade en forme de bouton de pavot, motif G&B très utilisé dans différents édifices et d'autres petits ouvrages, de style cabochons, en grès. Tous présents dans leur catalogue.



dimanche 5 février 2023

"Feresa del silenci" : les artistes de la revue "Feminal" (1907-1917). Exposition temporaire du Museu d'Art de Girona, 22 octobre 2022/26 février 2023

Force est de constater que la place des femmes dans l'Art Nouveau a été complètement invisibilisée. Autant elles sont très présentes dans toutes les œuvres, de l'affiche à l'architecture, autant leur place d'artistes a été occultée par celle des hommes. Je pourrai nommer Margaret Macdonald Mackintosh, qui en épousant l'architecte et designer Charles Rennie Mackintosh, a été éclipsée par celui-ci. Ou bien, Élisabeth Sonrel, dont les peintures et affiches, entre Art Nouveau et Préraphaélisme, sont bien moins connues (et bien moins cotées) que celles de Mucha, alors qu'elles sont d'une qualité picturale remarquable. Le tableau ci-dessus est exposé à Gérone. 

Elisabeth Sonrel "Allégorie à la guerre de 1914

Lorsque j'ai eu connaissance de l'exposition à Gérone, en Catalogne, je n'ai pu que m'en réjouir : enfin, il était question des femmes artistes Art Nouveau ! Il ne s'agit pas juste d'un élément isolé: en 2015, le II Congrès International CoupDefouet, à Barcelone, s'intitulait "Briser le plafond de verre de l’Art Nouveau" et certaines des communications de ce Congrès ont été reprises en en 2022, par le Réseau Art Nouveau Network, qui a proposé une série de conférence intitulée "Women on stage. Discovering the artistic female contribution to the Art Nouveau". Il n'est pas étonnant que ce soit la Catalogne qui rend visible le rôle des femmes en tant que créatrices qui ont pris part, au même titre que les hommes, de ce grand mouvement révolutionnaire dans l'art qu'est l'Art Nouveau. Cette région autonome, à faute d'être indépendante, est une des plus avancée au monde, en ce qui concerne le féminisme. 


Il y a donc, plus d'un siècle, en 1907, naissait en Catalogne, une revue en catalan, dirigée par des femmes, consacrée aux créations artistiques des femmes de l'époque. Dirigée  par l'écrivaine et journaliste féministe,  Carme  Karr, avec des articles illustrés de dessins et de photographies, écrits et créés par des femmes. "
Feminal" a permis de visibiliser le talent et professionnalisme des femmes et de critiquer le pouvoir des Salons, où l'entre-soi masculin les excluait, en leur donnant un espace écrit mensuel pour présenter leurs œuvres et s'exprimer. 
Tous les articles étaient encadrés par des bandeaux modernistes, les textes étaient accompagnés d’au moins une photographie de l’artiste ainsi que celle de ses œuvres.  Le paradoxe est que ces photographies étaient  réalisées par les portraitistes reconnus -tous hommes-, probablement dans le but de montrer le professionnalisme de ces femmes artistes.
La revue, de part son grand format et les nombreuses illustrations, avait un coût accessible surtout pour des lectrices bourgeoises, plus ou moins cultivées; ce qui correspondait au profil de la majorité des artistes, issues de milieux instruits liés à l’aristocratie,  la politique,  la musique,  la littérature ou les arts. 
Cependant, la revue a publié également  des photographies de salons de dessin et de peinture pour femmes de l’Institut de la culture et de la bibliothèque populaire pour les femmes, ouvert en 1909 par Francesca Bonnemaison (une femme qui c'était donné pour tâche de promouvoir l'éducation féminine dans une optique féministe), ainsi que d'autres institutions comme la Fédération syndicale des ouvrières ou du Collège de Formation des Dominicaines Tertiaires de Lleida.

L'exposition m'a permis de connaître l'œuvre d'artistes catalanes dont j'ignorais tout et d'en retrouver d'autres, que j'avais oubliées, dont les créations avaient croisé mon enfance catalane. Beaucoup de tableaux correspondent à des portraits, des scènes de la vie quotidienne, ainsi que quelques paysages. Même si de belle facture, ce ne sont pas mes préférés, notamment parce que cela ne correspondent pas à l'Art Nouveau.

Au tout début de l'exposition, les œuvres pleines d'humour de Lola Anglada  m'ont immédiatement ramenée à mon enfance et à la revue "El Patufet", véritable emblème catalan. Cette revue a été publiée  une première fois de 1904 à 1938. Arrêtée sous Franco, elle a repris entre 1969 et 1973. Celles que j'ai pu lire enfant, correspondent à de gros ouvrages rassemblant plusieurs exemplaires des éditions anciennes, conservées par mon père. Les dessins de Lola A., comme elle les signait, étaient parmi mes préférés. 



Une autre série de dessins, œuvres de Maria Rusiñol i Denís, sont également dans une veine humoristique. Il s'agit de créations qui mélangent l'aquarelle, la craie grasse et le crayon de graffite, qui représentent des groupes de femmes, habillées dans des vêtements pompeux et désuets. C'était la manière de l'artiste de critiquer la société à laquelle elle-même appartenait. Fille de peintres, elle a côtoyé, dès son plus jeune âge, grand nombre d'artistes et elle a pu en recevoir l'enseignement.



Mon coup de cœur a été l'œuvre de Francisca Rius i Sanuy, celle qui est le plus dans le style Art Nouveau, avec des éléments japonisants. Illustratrice et dessinatrice, elle a obtenu une mention honorifique lors de l'Exposition Nationale des Arts Décoratifs à Madrid. Je rêve de visiter une exposition qui lui soit entièrement consacrée. Il y en a déjà eu une en 2019, que je n'ai pas pu voir. 





Teresa Lostau i Espinet excellait dans la peinture naturaliste de fleurs.



Certaines artistes ont également travaillé sur des objets décoratifs, comme Maria LLuisa Güell qui a peint ce paravent, à l'huile.


Aurora Gutierrez Larraya faisait de projets pour des éventails et des broderies sur des mouchoirs.


L'exposition, comme en son temps la revue, présente également les œuvres des artistes françaises, Elisabeth Sonrel (voir plus haut) et Clémentine-Hélène Duffau.



Tout comme ce tableau de la bruxelloise Juliette Wytsman 


Je souhaite vraiment pouvoir connaître encore plus de femmes artistes Art Nouveau, qu'elles soient de plus en plus visibles dans le monde de l'histoire de l'art afin qu'elles puissent prendre la place que mérite leurs œuvres.